J'emporterai le feu

La fresque familiale débutait dans les années 40 avec Mathilde, la jeune Française venue s’installer dans une ferme proche de Meknès avec Amine, son époux marocain. Dans cet ultime opus, on suit la troisième génération des Belhaj à travers Mia et Inès, deux sœurs, Aïcha, leur mère médecin, et Mehdi, leur père financier, dans le Maroc des années 80-90, sous le règne de Hassan II. Dès l’enfance, Mia manifeste le désir de plaire à son père et d’être en quelque sorte le fils qu’il n'a pas eu en s’intéressant au football et en lisant les livres qu’il lui recommande. Lorsqu’elle part faire ses études en France, il lui donne un conseil : « Ces histoires de racines, ce n’est rien d’autre qu’une manière de te clouer au sol, alors peu importe le passé, la maison, les objets, les souvenirs. Allume un grand incendie et emporte le feu. » Impossible de lâcher ce récit aux personnages si attachants et dont la mémoire intime se mêle avec celle d’une société en pleine mutation. Leïla Slimani décrit parfaitement l’évolution de son pays divisé entre les riches - souvent proches du roi - et les pauvres pour la plupart analphabètes, l’émancipation des femmes, et la modernisation. Elle rend aussi un hommage poignant à son père, qui fut injustement emprisonné. Sa plume fluide, parfois mélancolique, nous envoûte tant que l’on referme à regret ce roman magnifique