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Figures et fonction de l'écrivain au XIIIe siècle
Figures et fonction de l'écrivain au XIIIe siècle
Anne Berthelot
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Par bien des côtés, il semble que l’essentiel de la littérature du XIIIe siècle a fonctionné comme un vaste laboratoire où la notion d ’«écrivain» s’est affinée jusqu’à être opérationnelle. A cette époque, l’écrivain est moins une personne qu’un personnage, voire même qu’un procédé littéraire tout n eu f que l’on emploie sans cesse, en l’essayant dans tous les cadres littéraires légués par la littérature latine, chrétienne et profane. Il s’adapte, bien sûr, comme n’importe quel motif, et subit une double évolution, dans le temps et selon les genres. Mais à travers ces mutations, il conserve dans l’ensemble le même rôle : celui d ’une structure primordiale, qui autorise l’apparition de l’œuvre. L’identité de ce «je» constitue le cœur du problème. L’apparition de l’écrivain est une «aventure», comme celle des rom ans bretons, qui se traduit en termes de narration. L’écrivain est le produit de la «mise en roman» des instances d ’énonciation. De manière fatale, l’œuvre qui s’interroge sur son auteur, et plus perversement sur la figure de l’auteur, comme s’il était impossible q u ’un outil grammatical soit dépourvu d ’épaisseur, adopte à des degrés variables la forme du roman. Là où une œuvre tend à être, avant toute autre chose, un miroir de sa propre création, là où elle s’interroge sur sa création, et où par conséquent la figure de l’écrivain s’y dessine comme une personnification de la notion abstraite d ’écriture, inévitablement elle a recours, pour formaliser ces préoccupations, au schéma narratif. La complexité croissante du système de l’énonciation se traduit par la multiplication des figures d ’écrivains : la responsabilité de l’écriture est partagée entre plusieurs personnages, indifférenciés le plus souvent, et qui, privés de nom, ne peuvent être accusés du péché capital, avoir imité Dieu en écrivant un livre inférieur à celui du monde, une mimesis forcément diabolique.
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